Les fantômes rappelés à Fatshi à Boma :RAM, prédation, insécurité pendant que les anges anti vol portent Katumbi à kisangani.
Le premier jour ouvrable de la campagne électorale a consacré le premier affrontement à distance entre Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, et Moïse Katumbi, ancien gouverneur de l’ex-Katanga qui se présente comme le plus grand caillou dans la chaussure du président. A Boma dans le Kongo central et à Kisangani dans la Tshopo, Tshisekedi et Katumbi ont connu de fortunes diverses. Dans la ville portuaire, Tshisekedi, profitant de la mobilisation de la kyrielle de parties membres de l’Union sacrée s’est, une nouvelle fois, présenté devant une foule compacte. Ici, le président a déroulé un nouveau rouleau de promesses dont la plus phare est d’étendre la gratuité de l’enseignement au niveau secondaire.
Les promesses de Fatshi, Boma en sait quelque chose. En avril 2019, quelque deux mois seulement après sa prise de fonctions, le Président y lançait son programme accéléré de 100 jours, promettant aux Bomatraciens de revenir très rapidement «par route à partir de Kinshasa» pour évaluer les travaux de construction de la route Boma-Moanda sur la RN1 et d’asphaltage du tronçon Boma-Matadi. A maintes reprises, le Président s’est également engagé à «promouvoir les activités économiques de la province, réaliser le projet de construction du port en eaux profondes de Banana -dont l’accord a pourtant été signé depuis 2017-, travailler pour l’intérêt du peuple». Promesses jamais tenues!
Autant de désillusions que Boma a rappelé à son hôte de circonstance, sans gants. Des chants hostiles, rappelant au président des multiples cadavres dans son placard, ont été entonnés. Boma n’a pas non plus oublié le RAM, cette taxe de téléphonie mobile des années Covid qui a finalement été «suspendu» en février 2022. Les ponctions effectuées dans le cadre du RAM, 260 millions de dollars selon l’Observatoire de la dette publique (ODEP), ont pris une destination inconnue alors que le gouvernement a tenté de justifier 10% de ce total par la réhabilitation de 4 universités dans le pays.
Autres placards sortis des placards de Tshisekedi par les Bomatraciens, la prédation érigée en mode de gestion ces dernières années, la corruption et l’insécurité. La sécurité compte pourtant parmi les trois thèmes de campagne du président, aux côtés de l’Unité et de la prospérité. Le Kongo central ne l’entend visiblement pas de cette oreille pendant que le pays est amputé d’au moins deux territoires actuellement sous occupation étrangère dans l’Est du pays. Dans l’Ouest, le Kongo central et le Kwilu sont également en alerte, avec des menaces des conflits intercommunautaires. Côté prospérité, le Président qui avait pris l’engagement de sortir au moins 20 millions de Congolais de la pauvreté d’ici 5 ans, dans le cadre du «Programme Présidentiel accéléré de lutte contre la pauvreté et les inégalités», lancé en octobre 2019. A l’heure du décompte, la réalité semble autre.
Au même moment que Moanda exprimait son ras-le-bol, Kisangani désignait son champion. Dans cette partie du pays, la population est venue en milliers pour écouter le candidat n°3, porteur d’un seul message: «Stop à l’injustice sociale». «Tolembi pasi» -traduisez: nous avons marre de cette souffrance-, a-t-il rappelé plusieurs fois. «Tolembi pasi», c’est aussi son programme d’actions que Kisangani a l’honneur de découvrir en primeur nationale. A la Place de la Poste, les Boyomais ont tout de suite adopté Katumbi comme le «Moïse», tel son prénom, pour «chasser les prédateurs». Le challenger du président s’est, pour une fois, prêté au jeu de son adversaire, répondant à une de ses piques favorites: «Celui qui nous accuse d’être les candidats de l’étranger est celui-là même qui a recruté les mercenaires étrangers au lieu d’augmenter les salaires des militaires et renforcer les capacités de l’Armée et de la Police».
Katumbi a par la suite demander à la population de rejeter «ce régime des promesses et de la taxe illicite RAM» en votant utile, en votant pour lui, pour le début d’un «ambitieux projet» en faveur d’une armée «véritablement républicaine, bien équipée avec des soldats bien formés et bien payés».
Le ton est donc donné dans cette campagne entre les deux candidats les plus en vue. De Tshisekedi, la population veut le bilan et pas seulement de nouvelles promesses, ces acquis qu’il faut, selon lui, consolider. Jusqu’au 18 décembre, la route pourrait donc être longue. Après cette journée de lundi dans deux provinces bascules du pays, avantage Katumbi qui, contrairement au président sortant, n’a pas de reddition des comptes à faire.