
L’assemblée Nationale honnit la requête du procureur concernant le dossier Nicolas Kazadi.
L’Assemblée nationale a tranché. Ce samedi 15 juin, elle a massivement rejeté la demande du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Nvonde, qui visait à lever l’immunité de Nicolas Kazadi, député UDPS et ex-ministre des Finances, accusé de propagation de faux bruits et de divulgation de secrets d’État.
Le verdict est sans appel : sur les 370 députés présents à la plénière, 357 ont voté contre la demande, 6 pour, et 7 se sont abstenus. Une claque institutionnelle au parquet général, et un soutien sans ambiguïté à l’élu.
Une commission déterminée à dire non à l’arbitraire
Ce vote entérine les conclusions de la commission spéciale dirigée par le député Raphaël Kibuka (MLC, Kinshasa/Mont-Amba). Son rapport, tranchant, fustige l’absence de base juridique sérieuse derrière les accusations.
Premier accroc : le chef d’accusation principal – divulgation de secrets d’État – ne figure tout simplement pas dans le Code pénal congolais. Une telle infraction n’existe que dans le Code de justice militaire. La commission a donc estimé que le procureur ne pouvait en aucun cas utiliser une législation militaire pour viser un civil, a fortiori un député protégé par son immunité parlementaire.
Second accroc : l’accusation de propagation de faux bruits ne résiste pas à l’analyse. Les déclarations de Nicolas Kazadi, qui portaient sur des irrégularités financières, sont étayées par plusieurs documents publics – rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des finances (IGF) et même du Conseil des ministres. Ces révélations relèvent donc d’un droit constitutionnel fondamental : la liberté d’expression.
Une interpellation brutale qui suscite l’indignation
Lors de son audition, Nicolas Kazadi a relaté son interpellation musclée à Mbuji-Mayi, le 8 mai dernier. Accompagné de son épouse, il aurait été appréhendé par les agents du Conseil national de cyberdéfense (CNC), qui auraient tenté de l’embarquer de nuit vers Kinshasa, à bord d’un vol privé, en violation flagrante de son immunité. Une manœuvre dénoncée comme une atteinte grave à ses droits parlementaires.
Un précédent évité, la démocratie consolidée
En filigrane, la commission soulève une question de fond : peut-on instrumentaliser la justice pour neutraliser un opposant ou un témoin gênant ? En effet, l’analyse de la commission a mis en lumière une problématique essentielle de l’immunité parlementaire en RDC : son instrumentalisation potentielle à des fins politiques. Le rapport met en garde contre le risque de créer un dangereux précédent en mélangeant les régimes juridiques civils et militaires. Une dérive qui menacerait les fondements mêmes de l’État de droit.
« L’Assemblée nationale a sauvegardé le droit à la liberté d’expression, dangereusement menacé par cette requête », confie un député à l’issue du vote.
En rejetant cette demande jugée juridiquement bancale et politiquement suspecte, les élus ont choisi de protéger les libertés fondamentales. Mais pour beaucoup, ce rejet sonne comme un rappel ferme : la démocratie ne peut survivre sans le respect strict du droit.
Belhar MBUYI